Préjudice de contamination
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PAS DE PREJUDICE DE CONTAMINATION QUAND LA VICTIME EST DANS L'IGNORANCE DE CELLE-CI
La victime, tenue dans l'ignorance de sa contamination par le VIH et par le virus de l'hépatite C par sa famille, n'avait pu subir de préjudice spécifique de contamination.
Les ayant droits de la défunte sont donc déboutés de l’action successorale et de leurs demandes au titre du préjudice spécifique de condamnation
Ci après la décision en intégralité (source Légifrance).
Cass. 2e civ., 22 nov. 2012, n° 11-21.031, FS-P+B, J. c/ Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM)
(...)
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mai 2011), que Rahma F., épouse J. a subi en avril 1984 une opération de chirurgie cardiaque au cours de laquelle elle a reçu des transfusions de produits sanguins ; qu'à la fin de l'année 1991, des examens ont révélé qu'elle avait été contaminée par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) et par le virus de l'hépatite C ; que Rahma J., qui a subi 146 hospitalisations depuis 1984, est décédée le 2 janvier 2009 des suites d'une fibrose pulmonaire, en ayant été maintenue durant vingt-cinq ans dans l'ignorance de la nature exacte de sa pathologie par sa famille, qui avait même présenté à son insu le 10 octobre 1992 une demande d'indemnisation au Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH ; que le 21 janvier 2009, les ayants droit de Rahma J., M. Ahmed J. et les quatre enfants issus de leur union, Mustapha, Mohamed, Nadia et Touria J. (les consorts J.), exerçant l'action successorale, ont sollicité auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) l'indemnisation du préjudice spécifique de contamination de la défunte ; que l'ONIAM ayant rejeté cette demande, les consorts J. ont formé un recours devant la cour d'appel ;
Attendu que les consorts J. font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen :
1° que le préjudice spécifique de contamination comprend l'ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant de la contamination, notamment des perturbations et craintes éprouvées, concernant l'espérance de vie et la crainte des souffrances ; qu'il comprend aussi le risque de toutes les affections opportunistes consécutives à la contamination, les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle et les dommages esthétique et d'agrément générés par les traitements et soins subis ; que les différentes composantes de ce préjudice sont supportées par la victime que celle-ci ait connaissance ou non de l'appellation exacte de la contamination qu'elle a subie ; qu'en refusant aux ayants droit de Rahma J. la réparation d'un préjudice lié à sa contamination par le VIH par cela seul que celle-ci, qui avait pourtant pendant vingt-cinq ans supporté toutes les conséquences physiques et psychiques liées à sa contamination ayant entraîné pas moins de 146 hospitalisations, aurait été laissée dans l'ignorance de la nature exacte de sa pathologie, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2° qu'en toute hypothèse, la cour d'appel a reconnu elle-même que le préjudice spécifique de contamination comportait à tout le moins une dimension liée à la spécificité des atteintes d'ordre physique et psychique engendrées par la contamination, indépendamment de la connaissance par la victime de la nature exacte de sa pathologie ; qu'en refusant cependant de réparer ces éléments dont elle a reconnu l'existence, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'époux et les enfants de Rahma J. ont fait le choix de ne pas informer celle-ci de la nature exacte de la pathologie dont elle a souffert pendant vingt-cinq ans ; que le préjudice spécifique de contamination est un préjudice exceptionnel extrapatrimonial qui est caractérisé par l'ensemble des préjudices tant physiques que psychiques résultant notamment de la réduction de l'espérance de vie, des perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle ainsi que des souffrances et de leur crainte, du préjudice esthétique et d'agrément ainsi que de toutes les affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie ; que le caractère exceptionnel de ce préjudice est intrinsèquement associé à la prise de conscience des effets spécifiques de la contamination ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, a exactement déduit que Rahma J., tenue dans l'ignorance de sa contamination par le VIH et par le virus de l'hépatite C, n'avait pu subir de préjudice spécifique de contamination ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi (...).